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Ces derniers jours, j’avais rendez-vous à la Porte dorée.

Chaque soir, j’empruntais fidèlement le chemin qui m’y menait. Il y avait d’abord l’Avenue de la Passion, toujours aussi grandiose, que je parcourais vite. Je bifurquais ensuite Rue du Compromis avec ses devantures grises se ressemblant toutes. Celle-ci était plus longue et testait ma patience. J’empruntais enfin un passage sombre et sinueux, et alors que j’étais prête à rebrousser chemin, elle apparaissait devant moi, brillant dans toute sa splendeur.

Sous mes yeux émerveillés se dressait la Porte Dorée, où tous les espoirs sont permis, où les amours mortes peuvent renaître, où l’Evangile se met au service de la poésie. Et sous l’arche m’attendait Agathe.

Alors, le même rituel se répétait. Je m’asseyais à ses côtés et pendant plusieurs heures, elle me parlait d’amour. Du grand Amour et de sa disparition. Du plongeon dans le vide que tout cela entraîne, des faux semblants, car il faut bien garder la face. Agathe m’expliquait le cri glaçant de la solitude avant de me réchauffer le coeur avec le jusqu’au-boutisme des amoureux n’ayant plus rien à perdre.

Qu’est-on prêt à faire pour récupérer l’être aimé ? Et surtout que faire quand il ne revient pas ?

Ce livre est une histoire de passion, de déni, d’acharnement et de désespoir. Le tout mis en mots avec ce qu’il faut de beauté, de crudité et de justesse pour que l’on soit tous obligés de s’y reconnaître un peu. Chaque soir en retrouvant Agathe, je devenais Anne implorant Joachim pour quelques heures. Mes prières païennes restaient sans réponse et c’est le coeur lourd et les yeux chargés de larmes que je repartais. Certaines lectures sont plus marquantes que d’autres, et celle-ci m’a laissé l’une de mes plus belles cicatrices.

« Je me persuade d’être la seule à avoir autant apprécié cette partie de ton corps et ce privilège calme le manque en moi.

Ta nouvelle copine n’a pas dû faire attention à cette douceur impérissable, elle n’a sans doute pas remarqué non plus le grain de beauté en forme de cœur sur ton épaule droite.

Elle est en train de vérifier que tu coches les bonnes cases : sourire charmant, situation sociale convenable, intelligence, humour et érection infaillible.

Elle coche. Elle n’en finit plus de cocher et ses copines avec elle. Elle n’a pas dépassé les critères obligatoires, elle ne sait pas encore que tout ça on s’en fout, seules comptent tes imperfections inutiles. »

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